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Malika Scialom est une ex-journaliste de la Radio Télévision Suisse romande reconvertie en tatoueuse indépendante. Elle exerce aujourd’hui sous le nom d’officine.tattoo dans son institut pluridisciplinaire, Le Studio, à Lausanne, qui regroupe d’autres professionnelles de l’esthétique, un projet qu’elle a elle-même porté, crée et ouvert en début d’année.
Dans cet épisode, on parle des méandres de son parcours et de comment elle tente de déconstruire les schémas que la société tente de nous imposer pour créer son mode de vie sur mesure. On s’intéresse aux différences entre le quotidien d’une journaliste salariée et celui d’une tatoueuse indépendante. Et on aborde aussi des sujets plus sensibles, comme les doutes et les peurs qui nous freinent dans nos projets, la perte de sens et le burnout.
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«Dans les pas de» est une sous-série d’épisodes dans lesquels je m’entretiens avec des personnes au parcours personnel ou professionnel sinueux et non conventionnel ou qui ont relevé des défis ou accompli des exploits étonnants et motivants, pour t’encourager et t’inspirer à explorer tes capacités et à tracer ta propre voie.
Chapitres
[00:00] Intro
[01:28] Présentation de Malika Scialom
[03:26] D’ado à journaliste – son parcours
[07:11] Un intérêt particulier pour la presse locale, au plus proche des gens
[15:00] Différence entre presse locale et média national (Radio Télévision Suisse romande)
[19:09] Burnout et perte de sens
[22:06] Reconversion: de l’idée à la concrétisation
[18:46] Gestion des doutes et syndrome de l’imposteur
[33:32] Soutien de l’entourage
[37:15] Une vie sur mesure
[40:51] Création de son espace d’esthétique à Lausanne – Idée et processus
[46:51] Entrepreneuriat et solitude
[49:00] Recrutement et valeurs du studio
[52:06] Atteindre n’importe quel objectif en le décomposant en tâches et sous-tâches
[53:13] Garder confiance quand on a un parcours sinueux et comment chaque expérience peut nourrir les suivantes
[58:57] Le quotidien d’une tatoueuse indépendant dans le détail
[01:06:09] Importance de la relation
[01:08:59] Le tatouage, un acte de co-création
[01:11:53] Les étapes, de la prise de rendez-vous aux reotuches
[01:15:34] La tyrannie du choix et la quête de liberté
[01:18.00] Donne-toi la permission d’essayer!
[01:19:45] Liens, réseaux et infos pour les prises de rendez-vous
[01:21:27]Mets un “j’aime”, abonne-toi et partage!
Bonne écoute !
Transcription
Valérie Christe: Bienvenue sur mon podcast, Explore ton potentiel, qui vise à t’encourager à explorer tes ressources mentales pour progresser continuellement, exprimer ta force et ta valeur unique, et façonner ta vie selon tes propres termes. Aujourd’hui, c’est un nouveau format d’épisode que je te propose, puisqu’il s’agit d’une interview. Je m’entretiens avec Malika Scialom, une ex-journaliste de la radio-télévision suisse romande, reconvertie en tatoueuse indépendante sous le nom d’Officine Tattoo, et qui exerce à Lausanne, dans des locaux partagés avec d’autres professionnels de l’esthétique, un projet qu’elle a elle-même lancé, porté et créé récemment. Dans cet épisode, on parle des parcours sinueux sur lesquels nous mène la vie, de la difficulté de choisir, de la création de son mode de vie sur mesure, de l’importance des tableaux Excel. On s’intéresse aux différences entre le quotidien d’une journaliste salariée et celui d’une tatoueuse indépendante. Et on aborde aussi des sujets plus profonds et personnels, comme les doutes et les peurs qui nous freinent dans nos projets, la perte de sens et le burn-out. Si j’ai choisi d’interviewer Malika, c’est parce que son parcours est justement une tentative de s’extirper des schémas préconçus et des cases dans lesquelles la société essaye de nous encastrer, pour tracer sa propre voie, celle qui lui correspond et l’anime. Mais c’est aussi parce que c’est une amie qui m’inspire énormément. J’ai immensément de respect et d’admiration pour son courage, sa détermination et sa force de caractère et j’espère qu’elle vous inspirera autant que moi.
Valérie Christe: Salut Malika, comment ça va ?
Malika Scialom: Ça va bien et toi ? Ça va bien.
Valérie Christe: Qu’est-ce que tu as fait aujourd’hui là où on se retrouve à 14h ? Comment tu as commencé ta journée ?
Malika Scialom: J’ai fait le ménage pour t’accueillir dans des conditions propices. Ce matin, j’ai eu le luxe de prendre mon petit déj sur une terrasse en travaillant un petit peu sur mon téléphone. Et ensuite, j’ai un peu fait des choses et d’autres en réfléchissant à ce que j’allais bien pouvoir te raconter pendant cette interview.
Valérie Christe: Mais c’est cool que tu aies pris le temps de faire ça. Je suis trop contente parce que tu le sais, c’est mon tout premier podcast entretien. Et pour une fois, en l’occurrence, je suis dans tes souliers ou dans tes anciens souliers puisque tu étais journaliste avant et que c’était toi qui faisais des interviews. Et cette fois, c’est toi qui es la personne interviewée.
Malika Scialom: Ça fait bizarre d’être de ce côté du micro.
Valérie Christe: Pour moi aussi ça fait bizarre, j’ai l’impression que je vais être jugée par la journaliste.
Malika Scialom: Je pensais aussi, et quand tu m’as envoyé tes questions, j’étais vraiment bluffée à quel point elles étaient bien préparées.
Valérie Christe: Oh bah attends, ça c’est la préparation, on va voir ce que ça donne en vrai. Alors, est-ce que tu peux déjà te présenter, pour tous ceux qui ne te connaissent pas, et puis résumer aussi ce que tu fais en fait, et surtout professionnellement, et où t’exerces, et quand t’as commencé en fait.
Malika Scialom: Alors j’ai 30 ans, je vis à Lausanne, je suis actuellement tatoueuse et j’exerce au sein du studio de tatouage, massage, onglerie que j’ai ouvert en début d’année et j’ai commencé, j’ai touché ma première machine à tatouer il y a deux ans et deux mois très précisément.
Valérie Christe: Donc c’est assez récent en fait ? Oui. C’est pire cool parce que j’ai suivi aussi ton aventure avec le salon que t’as ouvert donc on va revenir là dessus après parce que c’était un gros défi cette année et en fin d’année dernière donc on va revenir là dessus mais là ce que j’aimerais aussi toucher c’est parce que maintenant t’es tatoueuse mais avant t’as fait plein d’autres choses ça fait longtemps que je te connais, au départ un peu de loin, on ne changeait pas trop, mais ça fait une dizaine d’années que je te connais, je sais que t’es passée par d’autres phases, t’as fait d’autres activités et tout. Alors j’aimerais bien qu’on revienne en arrière et que tu me dises un peu, qu’est-ce que tu voulais faire peut-être déjà quand t’étais ado, petite, quelles étaient tes idées et comment t’as évolué, quelles études t’as fait, quel est ton parcours en gros ?
Malika Scialom: Alors tout ! J’ai toujours été très curieuse de plein de choses, du monde qui m’entoure, de comprendre comment le monde fonctionne et les choses fonctionnent. Donc j’ai toujours eu beaucoup de créativité et j’ai voulu essayer plein de pratiques différentes. Donc c’est passé par de l’art, de la création manuelle comme de la couture, du dessin, des choses comme ça quand j’étais ado.
Valérie Christe: Je me souviens que, enfin je ne sais pas si je me trompe, mais tu ne voulais pas faire l’école de couture à l’époque ? Oui. Oui, parce que je l’ai faite aussi alors je me souviens de ça.
Malika Scialom: Je voulais arrêter le gymnase pour aller faire l’école de couture.
Valérie Christe: Ah oui, tu as failli faire comme moi. Exactement. La même erreur.
Malika Scialom: Et finalement, les choses ne se sont pas passées comme ça, mais j’étais dans un délire très créatif. plutôt faire un travail créatif dans ma vie. Et ensuite, toujours au gymnase, j’ai eu des cours de biologie et j’ai commencé à regarder un peu trop de séries médicales.
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Malika Scialom: Ça m’a donné super envie de faire médecine et de faire de la chirurgie ou quelque chose comme ça. Donc, j’ai tenté la première année de médecine à l’université et ça n’a pas du tout fonctionné parce que j’avais jamais travaillé en fait à l’école. J’ai eu la chance de toujours passer mes examens et mes tests en donnant le minimum d’efforts. Et donc quand t’arrives en première année de médecine et que tu ne sais pas travailler et que tu ne révises pas, il n’y a pas vraiment beaucoup d’issues possibles. Et après ça, ça m’est suivi quand même une grande remise en question parce que j’étais tellement focus sur la chirurgie, la médecine, ça m’intéressait vraiment beaucoup. Donc j’ai pris une année sabbatique pendant laquelle j’ai bossé au McDo. C’est aussi quelque chose que tu as fait avant. Oui. Et à côté de ça, j’ai fait un stage d’orientation où j’ai fait une liste de différents métiers qui m’intriguaient. Et j’ai ensuite été faire des stages dans tous ces métiers pour aller voir en vrai sur le terrain si c’était aussi cool que sur papier. Et c’est là que j’ai découvert le journalisme. j’ai découvert que, en gros, je pouvais être payée pour partir à l’aventure, rencontrer des gens et leur poser des questions.
Valérie Christe: C’est assez incroyable.
Malika Scialom: Donc j’ai fait une semaine de stage au journal de Morges comme quoi vraiment la presse locale il n’y a pas mieux pour faire découvrir des vocations parce que c’est là que tu es au plus proche des gens et du terrain et vraiment enfin moi ça m’a passionné.
Valérie Christe: Ouais.
Malika Scialom: Et donc voilà je me suis lancée dans cette voie-là, je me suis formée là-dedans, j’ai C’est un peu comme un apprentissage, si tu veux, où tu bosses deux ans dans une rédaction, voilà, en tant que journaliste, directement. Puis à côté, t’as quelques cours à l’école de journalisme à Lausanne.
Valérie Christe: Ouais. T’as fait ça à l’Illustré, ou bien.
Malika Scialom: C’Était… Ouais, à l’Illustré, exactement. Pendant trois ans, quasiment, je suis restée là-bas.
Valérie Christe: Ok.
Malika Scialom: Ouais.
Valérie Christe: Trop bien. Je me souviens de cette période. En tout cas, t’avais l’air vraiment de… En tout cas, au début. Mais c’est étonnant aussi ce que tu dis de comme quoi la presse… Enfin, je sais pas si c’est étonnant, mais c’est vrai que je me serais pas dit ça, comme quoi la presse locale c’est presque plus intéressant parce que du coup t’as plus de… t’es plus en contact directement avec les gens, t’as vraiment vu cette différence parce que t’as aussi travaillé plus tard à la radio à la télévision… à la radio suisse romande, donc c’est un plus… C’est une plus grosse presse, un plus gros média, on va dire. Est-ce qu’il y avait une différence par rapport à ça, par rapport à ce point-là ?
Malika Scialom: Oui, oui, clairement. Après, ça m’a parlé la presse locale, parce que c’est en fonction de ma sensibilité qui m’est centre d’intérêt. D’autres journalistes qui seraient plus intéressés par l’actualité en soi auraient peut-être un regard différent là-dessus. Mais en pratiquant le journalisme, j’ai découvert que j’en avais vraiment rien à faire de l’actualité. Et ce qui m’intéressait le plus, c’était de rencontrer des gens et de raconter leur histoire, en fait. Et d’apprendre tout ce que je pouvais apprendre d’eux par leur récit de vie, leur vécu.
Valérie Christe: Ouais bah du coup j’en profite puisque tu mentionnes ça. J’ai retrouvé un de tes anciens papiers, enfin articles de l’illustré que je me souviens parce qu’on en avait, en tout cas tu nous en avais parlé et c’était un article assez intéressant. Et je vais juste aussi lire quelques extraits, parce que ça donnera aussi une idée de ton écriture. Et moi je le trouve vachement cool cet article, donc c’est pour ça que je l’ai ressorti. C’est l’article que tu as fait sur les personnes qui font la manche. Dans l’illustré, il est paru en 2017. Et en fait tu t’as fait une sorte d’expérience où t’es allé toi dans la rue mendier et voir ce que ça faisait en fait d’être parmi ces personnes. Donc je vais juste lire quelques extraits de l’article, ça te va ? Entre deux sourires gênés de piétons perplexes, Derome passe et me salue. « Ça va ? » me lance-t-il gentiment. L’un d’entre eux vient me parler. Il est polonais et a quitté son pays seul en croyant trouver du travail en Suisse. Cela fait trois mois qu’il dort dehors. Il me donne quelques pièces. Avec son visage brûlé par le froid, on lui donne cinquante ans alors qu’il n’en a que trente-deux. En faisant la mange deux fois par semaine, il gagne dans les vingt francs par jour. Un peu plus loin, là c’est moi qui parle, un peu plus loin dans notre passage. Ce matin, autre lieu, autre ambiance. Direction la rue de Lalle. L’ambiance est plus populaire, la précarité plus perceptible. Je sens tout de suite que le climat est différent. Ici, pas de sourire, des regards blasés, méprisants. Une femme distraite chute dans mon gobelet. Ça la fait beaucoup rire. « Vous ne pouvez pas faire attention, non ? » je lui dis excédé. « Tenez, je vous le renvoie », s’esclave-t-elle en me le balançant au visage d’un coup de pied énergique. Quelques minutes
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Valérie Christe: plus tard, une vieille dame apparemment très énervée me traite de fainéante. Et enfin, tu conclus dans l’article « La vraie surprise aura été toutefois la bienveillance que les SDF ont eue à mon égard. Cette solidarité entre ceux qui n’ont rien m’a remonté le moral. Car, dans la balance émotionnelle, le mépris des uns pèse aussi lourd que la gentillesse des autres. Alors, si vous ne donnez pas de pièces aux mendiants, sachez qu’un sourire fera le même effet. » Je trouve que c’est un joli article parce que justement t’es vraiment… t’as vraiment pris des parcelles de ce qui t’est arrivé, des échanges que t’as eu avec certaines personnes. Et c’est vrai que dans ce cas-là, on se rend pas forcément compte de ce que les gens qui m’ont dit vivent ou ressentent, et justement t’es allé voir ça, je trouve que c’est une belle aussi, une preuve d’ouverture en fait, de ton ouverture d’esprit et de ta volonté justement, comme tu disais, d’aller au plus près des gens et d’essayer de comprendre ce qu’ils vivent ou ce qu’ils ressentent, ou de comprendre.
Malika Scialom: Après, j’avais pas relu cet article depuis, ça fait un long moment, et je me remémore cette expérience-là. Enfin, c’est pas représentatif. Ce que j’ai vécu, moi, forcément, c’est biaisé, évidemment. Et puis le récit que j’en fais, et puis l’expérience que j’ai vécue, elle est forcément biaisée par le fait que j’avais pas du tout la nécessité de recevoir effectivement de l’argent de la part des gens pour pouvoir me loger. Je rentrais chez moi me mettre au chaud après la journée à mendier sur mon carton. Ça serait intéressant de donner la parole à des personnes qui sont vraiment en situation de précarité comme ça, pour pouvoir comparer et voir si effectivement, ils ont quelque chose à faire, qu’on leur fasse un sourire.
Valérie Christe: Ouais, ouais, bien sûr. Maintenant, justement, dans l’article, tu rencontres aussi des Roms, des personnes qui m’ont dit, etc., et t’échanges aussi avec elles, donc ça te donne aussi… Enfin, c’est sûr que c’est pas pareil que de le vivre et que d’être dans cette situation, mais je trouve qu’en lisant l’article, justement, Ça ouvre un peu à l’idée que c’est quand même des personnes, c’est con à dire, mais qui ont des sentiments, qui ont des sensations, qui vivent des choses difficiles. Il doit être super dur, quoi. C’est difficile de se mettre… On peut pas se mettre à leur place, mais je trouve que ton article.
Malika Scialom: Est reflet de ça.
Valérie Christe: Merci.
Malika Scialom: C’est vraiment ce que j’avais… Je me rappelle quand j’avais vendu le sujet en séance de rédaction à l’Illustré, c’est un des trucs que j’avais dit, c’est « mais en fait, ces gens… » Enfin, dès qu’on est assis par terre, on est complètement déshumanisés, et les gens qui passent devant les personnes qui m’ont dit ne les considèrent plus comme des personnes, en fait. Et effectivement, c’est ce que j’ai pu constater. Après, c’était intéressant de voir qu’en fonction des quartiers où je m’étais assise, le regard des gens était… Enfin, puis leur attitude et leur hargne étaient un peu différentes. Là, la rue de Lalle, effectivement, c’est une rue un peu plus populaire. tout le monde de tous les milieux sociaux qui passent par là. Les petits vieux qui te traitent de feignasse, la meuf qui te shoot dans mon gobelet, y’a toutes les pièces qui s’éparpillent. C’est déjà hyper humiliant d’être assis par terre comme ça. Et les gens crachent dessus. C’est une violence. Alors que j’aurais pu être là pour n’importe quelle raison. J’ai eu l’occasion de faire un autre article où j’étais allée rencontrer des personnes qui avaient perdu, enfin, qui étaient rentrées dans la spirale infernale de la précarité. Elles m’ont toutes raconté que vraiment, en fait, les choses vont très très vite, quoi. Tu perds ton job, t’as des dettes, ça s’accumule, tu perds ton… tu peux plus payer ton loyer, tu perds ton logement tout de suite. Si t’as plus d’adresse après pour obtenir des aides, enfin, c’est très très compliqué. C’est vraiment vite fait de se retrouver assise sur un carton, quoi. Et à ce moment-là, ça doit être horrible quand t’as plus rien et que les gens te parlent comme si t’étais rien.
Valérie Christe: Justement, je trouve que ce travail-là, ça ouvre un peu à ça. C’est vrai qu’on a tendance… Moi, je sais que je ressens ça aussi. Des fois, je vois bien que je fais pas attention aux gens ou à ce qu’ils ressentent. on est vraiment dans notre bulle. Et de lire ce genre d’articles, en tout cas ton article par exemple, celui-ci, ou ça peut être d’autres, je ne dis pas qu’il n’y a que ça, mais je trouve que c’est utile pour ça. On se rend compte de nouveau qu’on n’est pas seul. C’est une expérience collective. Il y a toute une société et on ne peut pas penser qu’à soi, être que pour soi. Ça permet de créer un peu plus d’empathie et de relativiser un peu plus les choses, je trouve. Mais du coup, à l’époque t’avais l’air en tout cas d’énormément apprécier le journalisme. Et puis même quand t’en repars comme ça, on sent quand même que c’était quelque chose que t’aimais.
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Valérie Christe: Et après l’illustrer du coup, il me semble que t’as intégré la radio suisse Romande.
Malika Scialom: Oui.
Valérie Christe: Pour environ 3 ans c’est ça ?
Malika Scialom: Pour 3 ans, oui.
Valérie Christe: Alors comment ça s’est déroulé cette expérience-là ? Et pourquoi tout d’un coup t’as changé de voix ? Pourquoi t’as arrêté ?
Malika Scialom: Parce que c’était un… c’était du journalisme de magazine que je faisais à l’illustré, c’est-à-dire que j’avais souvent une semaine voire plus pour faire un article, donc j’avais vraiment beaucoup de temps pour investiguer, pour aller chercher les interlocuteurs, aller sur le terrain, rencontrer les gens en vrai, et c’était très très riche humainement. Et je suis passée ensuite à la radio où c’était quasiment l’opposé puisque c’est pas du tout le même média. La radio c’est pas comme une page de magazine où on a beaucoup de place pour écrire et qu’on peut faire des tartines. Non, la radio c’est minuté. Là c’était de l’actualité en plus. J’étais au bureau vaudois à l’actu radio à Lausanne. C’était plus ce journalisme en fait, la fibre humaine et rencontre et sociale en fait, n’était plus là. Enfin c’était vraiment de l’actu. Et j’ai réalisé à ce moment là que c’était pas du tout mon truc quoi. C’était pas ça que je voulais faire.
Valérie Christe: Quand tu dis que c’était vraiment de l’actu, c’est-à-dire que vous receviez des infos et que tu devais faire un peu des synthèses ou que tu devais faire des analyses sur ce qui se passait mais que t’avais pas tellement On.
Malika Scialom: Recevait des communiqués de presse, on allait à des conférences de presse, on avait une idée de sujet et on allait mener l’enquête. moins de temps pour faire le sujet et on sortait assez peu de la rédaction, c’était principalement des interviews par téléphone puis des recherches par téléphone que je faisais. Et puis surtout, c’était pas du tout le même type de sujet en fait. Parce que parler d’un événement d’actualité brute, genre aujourd’hui il s’est passé ça, hop interview d’un conseiller fédéral qui réagit sur ce qui s’est passé, c’est pas la même chose qu’il s’est passé ça, ce jour-là, et du coup, ah tiens ça soulève cette question sociale, j’ai envie de faire un sujet où je vais aller faire des portraits de personnes qui vont incarner en fait ce topic-là, tu vois.
Valérie Christe: Ce que je veux dire ? Tu étais vraiment contrainte par le temps et par le sujet du jour, et tu n’avais pas vraiment de marge de manœuvre. Il fallait juste traiter ce truc du jour, dans l’urgence. Tu n’avais même pas le temps de faire du fond là-dessus.
Malika Scialom: Il y avait d’autres sujets, d’autres formats, où on avait aussi plus de temps pour faire des recherches, etc. C’était pas assez en fait pour moi. Ouais, ouais. C’était clairement pas assez. Si mes anciens collègues de la RTS m’entendaient maintenant, je pense qu’ils s’énerveraient un peu et ils diraient que je suis injuste, tu vois. Donc, la vérité, c’est que c’était pas suffisant pour ce que j’avais vraiment envie de faire, avoir des vraies connexions avec des gens. Et puis, ouais, tu sais, à s’ouvrir vraiment une soif de connexion puis d’intérêt pour les autres, quoi. Ce qui n’est finalement pas dans la vocation du journalisme. Mais disons que le journalisme a été pendant une période un moyen pour moi de faire ça.
Valérie Christe: Mais apparemment t’avais quand même une plume aussi, t’étais bonne là-dedans, t’étais douée, enfin ça venait de tes intérêts, de ta passion, mais t’avais aussi de la douance là-dedans, dans l’écriture, etc. Je mentionne que t’as gagné le deuxième prix 2018 du meilleur jeune journaliste, pour dire ça. Si jamais on mettra tous les liens aussi dans la description pour que les gens puissent retrouver, si jamais ça les intéresse, t’allez voir aussi ce que tu faisais avant. Et du coup, à un moment, vers la fin de ce parcours-là, ça t’a menée carrément au burn-out, c’est ça ? La radio, au bout d’un moment, c’était vraiment trop.
Malika Scialom: Oui. C’était un mélange de stress, stress, charge de travail, et de perte de sens, en fait. Au début, je n’avais pas totalement compris ça. Je pensais que c’était plus dû au stress et à la charge de travail. Et avec le temps et avec le recul, je comprends ce qui m’a épuisée mentalement. Parce que le stress, on peut toujours l’éponger, on peut toujours compenser, on peut toujours s’adapter, temporairement forcément, mais la perte de sens Moi en tout cas, c’est ça qui m’a vraiment
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Malika Scialom: détruite sur le moment, qui m’a mise en incapacité de travailler et de continuer comme ça.
Valérie Christe: Et comment ça s’est passé cette période-là ? Combien de temps ça a pris depuis le moment où t’as senti que… Enfin je sais pas si t’arrives à remettre un temps là-dessus, mais depuis le moment où t’as commencé à sentir que t’étais épuisée et que ça correspondait pas exactement en fait à tes aspirations ou à ce que t’aimais faire vraiment, et le moment où t’as stoppé quoi, où la radio c’était… où t’as été en arrêt de travail à un moment.
Malika Scialom: Ça a pris trop longtemps. Beaucoup trop longtemps. Parce que j’ai été une première fois en arrêt pour burnout en 2021, sauf erreur. Je ne suis plus très sûre des dates, mais un truc comme ça. Et j’ai passé quelques mois à me remettre en question, à beaucoup dormir et essayer de me remettre, de recoller les morceaux comme je pouvais. Et puis, je suis retournée au travail, au même poste que j’occupais. Et j’étais contente d’y retourner, je pensais que c’est bon, que j’avais appris des erreurs, que je n’allais pas me retrouver à nouveau dans cette situation d’épuisement mental parce que je savais mieux mettre des barrières et gérer le stress et dire non quand c’était trop.
Valérie Christe: Avoir des limites pour bien séparer vie pro, vie perso et avoir ton temps à toi, c’est ça ?
Malika Scialom: Oui, c’est ça. Et puis juste pas me surcharger aussi, parce que quand tu mènes 4 ou 5 sujets en même temps, et que t’as 150 000 interlocuteurs différents, et puis que t’as tous ces sujets-là en parallèle, c’est comme si t’avais 50 onglets ouverts sur ton ordi, au bout d’un moment ils explosent en fait. C’est un peu ça le truc. Et du coup, je suis retournée bosser. Ça a été assez bien pendant une période, jusqu’à ce que ça n’aille plus de nouveau. Et à partir de ce moment-là, je me suis dit qu’il fallait que je change de métier. J’étais carrément dégoûtée du journalisme, en fait, à ce moment-là. Sauf que j’avais 28 ans et que c’était hors de question de me relancer dans une formation universitaire, académique, pour apprendre un nouveau métier. Je voulais quelque chose, parce qu’il y avait aussi un peu cette notion d’urgence, tu vois, je pouvais pas… Rester encore trois ans dans cette situation-là, je n’allais pas tenir. Donc, je me suis dit qu’il fallait que j’apprenne à faire quelque chose en autodidacte, que je me forme à autre chose en autodidacte, idéalement. Et c’est là que j’ai eu l’idée, je me suis littéralement réveillée un matin en me disant mais en fait, si j’apprenais à tatouer…
Valérie Christe: Mais c’est vrai, c’est venu comme ça, il n’y avait pas une petite idée dans le passé où tu t’étais dit les tatous c’est cool, enfin à part pour t’en faire pour toi, mais je veux dire… C’est fou !
Malika Scialom: Et ça fait la même chose pour le studio, je sais pas, des fois autant je peux passer des semaines et me torturer à cogiter, cogiter, cogiter les trucs de ma vie et tout, autant des fois je fais des trucs en pilote automatique où je suis juste menée par mon instinct et je sais même pas ce que je fais.
Valérie Christe: Ah c’est fou ! Ah ça je ne savais pas du coup ce point-là, enfin que ça t’était vraiment venu comme ça. Mais le tatou par contre, c’était déjà quelque chose, t’avais déjà des tatous à l’époque ou bien ?
Malika Scialom: Oui. J’ai toujours aimé cet univers-là depuis que je suis toute petite, je crois que j’avais peut-être 6 ans, j’étais à l’école enfantine je me souviens et je disais déjà à ma mère et à ses copines que quand je serais grande je serais tatouée partout et que j’aurais plein de petites filles comme la dame là, regarde elle est trop belle. Et vraiment, j’ai toujours été attirée par ça et aimé cette esthétique-là. Et donc, peut-être qu’en fait, il y avait ça en tâche de fond dans ma tête depuis toujours sans que je m’en rende vraiment compte. Et comme j’ai toujours dessiné aussi, c’est important, on ne peut pas tatouer si on ne sait pas dessiner. Je ne sais pas, c’était juste logique en fait.
Valérie Christe: C’est ça que j’allais dire aussi, comme tu disais, quand tu étais plus jeune, tu étais vraiment dans le créatif à fond. Donc, ça se rejoint aussi avec ça. Enfin, c’est pas comme si t’avais jamais créé rien du tout et que t’avais jamais dessiné et que d’un coup tu te réveilles. Ah oui, d’accord. C’est aussi possible, mais je veux dire, on arrive à avoir des liens quoi. Il y a ton côté créatif qui s’est réveillé en m’attendant. C’est ça.
Malika Scialom: Tu m’as oublié trop longtemps.
Valérie Christe: Tu m’as trop laissé de côté, vas-y. En tout cas c’est vachement cool comme reconversion
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Valérie Christe: parce que du coup tu l’as vraiment fait et aujourd’hui clairement t’es une tatoueuse, t’as vraiment ton salon et puis ça marche super bien, t’as plein de clientes et tout et ça c’est ton revenu principal, enfin ton seul revenu et ton revenu principal et tu vis très bien avec ça. Franchement, c’est top de l’avoir fait. Comme je te disais, je trouve que c’est une belle histoire de reconversion. Et t’as fait un super travail. Parce qu’en assez peu de temps, je trouve que tu t’es reconvertie du coup. Et t’as réussi à lancer ça en indépendante tout seul. Et en plus, comme tu disais, t’as beaucoup appris, surtout appris en autodidacte. Du coup, j’aimerais bien qu’on revienne sur la transition. Comment ça s’est passé ? Parce que tu dis que t’as appris en autodidacte, mais comment ça s’est passé ? Est-ce que t’as commencé à tatouer en même temps que t’étais encore en train de travailler ? Ou est-ce que t’es allée au chômage un moment ? Comment ça s’est passé, cette transition ?
Malika Scialom: Alors avant de tatouer des gens et de pouvoir gagner de l’argent avec ça, il faut apprendre à le faire et ça prend vraiment longtemps. Je suis toujours là évidemment en processus encore d’apprentissage. Ce n’est pas quelque chose qui s’apprend en six mois. C’est très vaste et assez compliqué. Je m’en suis rendue compte quand j’ai touché ma première machine et que ce n’était pas du tout facile comme ce que j’imaginais naïvement. Donc j’ai fait, j’étais toujours journaliste et ça a duré une année, la reconversion, disons depuis que j’ai eu l’idée de me reconvertir, ensuite dans quoi, ensuite que j’ai commencé à mettre des choses en place pour la reconversion, jusqu’à la démission de la RTS. Là, ça a duré une année, tout ce processus-là.
Valérie Christe: Ok, ah oui, quand même. Oui.
Malika Scialom: Donc d’abord, j’ai pris mon téléphone et j’ai appelé des studios de tatouage pour leur demander un peu des conseils. Voilà comment je fais réflexe de journaliste.
Valérie Christe: On prend le téléphone et on va.
Malika Scialom: Chercher l’info à la source. Et on pourrait apprendre un peu comment.
Valérie Christe: On peut le faire. Oui, c’est super. En même temps, c’est super logique. Il y a beaucoup de gens qui ne le feraient pas. C’est hyper intelligent, c’est ce qu’il faudrait faire en fait.
Malika Scialom: Pour moi c’était le seul plan, c’était ça quoi. C’était évident. Quand on sait pas, on va demander à ceux qui savent. Et j’ai d’abord passé deux mois à observer dans un shop à Lausanne et à beaucoup dessiner. Et là j’avais pas encore touché de machine. Et puis, ensuite, je suis partie de cet endroit et je suis allée faire une formation d’hygiène en France. C’est primordial avant de toucher qui que ce soit avec une aiguille, même soi-même. Donc, voilà. Et puis, là, j’ai commencé en fait à acheter une machine de qualité. du matériel de base, des encres, des aiguilles, etc. Tout le matériel d’hygiène, puis à m’entraîner sur la peau synthétique. Et ensuite, à m’entraîner sur moi, sur des amies qui étaient consentantes. Et après, en fait, de fil en aiguille, j’ai ouvert mon Insta. Après, j’ai beaucoup bossé sur ma communication et tout, mais je faisais un joli tatou, je le publiais. C’est quelqu’un que je ne connaissais pas m’écrivait pour me demander de lui en faire un. J’avais d’autres tatous à publier. Puis après, tu vois, c’est l’engrenage comme ça. Et au bout de cinq mois, j’avais une bonne base de clientèle et j’étais déjà en capacité de démissionner.
Valérie Christe: Et c’est à ce moment-là que tu as démissionné ou est-ce que tu as encore attendu d’être plus sereine ? Comment ça s’est passé au niveau de Parce que c’est souvent un truc qui revient chez les entrepreneurs, surtout quand tu changes de métier, en plus quand t’apprends par toi-même, etc. En tout cas, il y a beaucoup de gens qui ont ces doutes, ces peurs, syndrome de l’imposteur, etc. Comment t’as géré ça en fait ?
Malika Scialom: J’ai persévéré à la radio en espérant que je pouvais faire les deux en parallèle. Ça a été long le processus de rompre avec le journalisme en fait. C’était pas facile.
Valérie Christe: Est-ce que tu y étais attachée quand même ?
Malika Scialom: Bah ouais, c’est clair, vraiment.
Valérie Christe: C’était pas juste une question de sécurité, c’était vraiment un fait.
Malika Scialom: Il y avait ça aussi. Mais il y avait aussi que c’était une partie importante de ma vie, quelque chose dans lequel je m’étais tellement investie. J’avais mis vraiment toute ton âme en fait. Enfin, toute mon âme. Ouais, c’était pas évident. J’étais en négociation interne en mode ok, je vais peut-être pouvoir faire les deux et tout. Finalement, ça s’est pas passé comme ça au sein de l’entreprise, donc j’ai fini par quitter.
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Malika Scialom: Et pour le syndrome de l’imposteur, Alors oui, c’est sûr. Clairement. Surtout que ça fait pas longtemps que je tatoue au final et que j’apprends toujours.
Valérie Christe: De toute façon, on apprend toute notre vie. On s’améliore forcément tout le temps.
Malika Scialom: Donc quand j’ai démissionné, je me suis mise à 100% à mon compte. À partir de là, je n’ai plus d’autres sources de revenus et j’ai intégré une école de tatouage parce que j’avais besoin en fait de valider mes acquis avec quelqu’un qui pouvait m’observer et me dire c’est juste ou c’est faux. C’est con, parce que j’avais besoin d’un cadre hyper scolaire, binaire, juste, faux, pour être sûre que ce que je faisais, c’était bien et que je n’allais pas faire du mal à des gens.
Valérie Christe: Après cette école-là, est-ce que ça t’a donné plus de sécurité ? Parce qu’en fait, moi, ce que je me souviens, c’est que t’avais le sentiment de ne pas apprendre énormément dans cette école, parce que t’avais déjà tellement appris aussi par toi toute seule. Mais est-ce que ça t’a apporté une sorte de… sensation du coup de sécurité du fait que tu étais passé par un cadre justement où si tu faisais n’importe quoi on te l’aurait dit et en fait comme comme tu as eu ton diplôme bah tu sais que en fait ce que tu faisais c’était bien du coup.
Malika Scialom: Oui ça m’a rassuré, ça m’a rassuré, ça m’a aidé à prendre un peu plus confiance en moi en tant que tatoueuse parce que j’étais avec mes pairs et ça c’était fondamental pour moi d’avoir la validation en quelque sorte d’autres tatoueurs tatoueuses. Et c’est vrai que sur le plan théorique, cette formation-là, c’était vraiment les bases du tatouage. Et j’ai pas l’impression d’avoir appris beaucoup de choses sur le plan théorique parce que les bases, je les avais apprises par moi-même. Mais en revanche, ça m’a… appris à avoir plus confiance en moi, ça m’a donné un cadre. On avait des sessions de tatouage sur des vraies personnes qui étaient au courant que peut-être ça allait mal tourner, tu.
Valérie Christe: Vois, mais qui étaient venues quand même.
Malika Scialom: Et en fait, on m’a donné un cadre où je pouvais essayer des nouveaux trucs. Et si je me plantais, c’était pas grave parce que la personne était d’accord.
Valérie Christe: Ouais, c’était sur le contrat, elle savait. Voilà. Ça allait pas vraiment retomber sur toi, s’il y avait un problème, ça retombait sur l’école au final. Vraiment, plutôt. Si jamais vraiment.
Malika Scialom: Mais d’avoir vraiment cette liberté, parce qu’en fait, quand tu pratiques seule et que t’es face à ta cliente, les gens te font confiance, te confient leur corps, c’est hyper important. Moi je sortais absolument pas de ma zone de confort, j’essayais pas des trucs que j’étais pas certaine de réussir sur les gens, ce qui est évidemment normal. Je m’entraînais des heures sur la peau synthétique, je faisais 10 fois un tatouage sur peau synthétique avant de le faire sur ma cliente. Parce qu’il fallait absolument que… Que tu gères. Ouais, il fallait réussir en fait, c’est ça. Il fallait réussir. Et puis cette pression-là, en fait, tu l’as pas quand tu es dans un endroit où tu sais que tu peux te tromper. Et ça, pour moi, ça m’a permis d’oser essayer des trucs que j’avais jamais essayés. Et c’est ça qui m’a permis de vachement progresser.
Valérie Christe: Et comment aussi t’as vécu la transition par rapport à tes amis, à ta famille ? Comment est-ce qu’ils ont réagi par rapport à ça, quand tu leur as annoncé que t’allais changer ? Est-ce que t’as eu du soutien ?
Malika Scialom: Oui, j’ai eu du soutien.
Valérie Christe: La plupart de tes amis, je sais, parce qu’on a beaucoup d’amis en commun.
Malika Scialom: Franchement, tout le monde m’a grave soutenue. Personne ne m’a dit que c’était une idée farfelue ou que ça n’allait pas le faire. J’avais un peu d’appréhension avant de l’annoncer à mes parents parce qu’ils étaient tellement fiers que je sois journaliste, tellement fiers que je sois dans cette prestigieuse institution qu’était la RTS. Et je me suis dit, je vais leur dire que je quitte la RTS pour aller faire des dessins sur des gens.
Valérie Christe: J’avais peur qu’ils soient un peu déçus.
Malika Scialom: Ouais, j’avais peur qu’ils soient déçus et qu’ils soient déçus. Il n’y a pas d’autre mot quoi. Et finalement, pas du tout. Ma maman, c’est ma plus grande femme. Elle est trop mignonne. Elle s’est fait un compte Instagram pour me suivre et puis pour aller liker tous mes posts. Elle en a parlé à toutes ses copines. J’ai deux de ses copines qui sont venues de se faire tatouer par moi. Enfin, soutien inconditionnel. Et puis, mon père aussi. Vraiment, ça s’est très bien passé.
Valérie Christe: Ok. Bon, ça, c’est trop cool aussi.
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Valérie Christe: C’est déjà dur de faire une reconversion, de se lancer dans quelque chose de complètement nouveau, d’autant plus en indépendante. Donc si t’as pas le soutien en plus des personnes autour de toi, y’a des gens qui ont pas du tout le soutien, ou les gens ne font que les juger, leur dire « mais t’es fou, c’est pas sûr, tu vas perdre, tu vas pas gagner d’argent, et ci et ça, et les assurances… ». Y’a une grosse insécurité, j’ai l’impression, pour beaucoup de gens. sur l’indépendance et sur le fait de faire des reconversions, dont en plus je dirais presque dans un milieu artistique ou un peu plus… Je pense qu’il y a beaucoup de gens qui ont ces a priori aussi sur le tatouage ou ce genre de choses qui sont un peu en marge presque. C’est vraiment cool que tu aies eu ces réactions-là autour de toi. T’as eu le sentiment que ça t’a aussi porté, que ça t’a aidé ?
Malika Scialom: Oui, j’ai la chance immense, le privilège d’avoir un entourage merveilleux. J’ai des amis qui sont… Personne n’avait d’a priori sur le tatouage. C’est déjà une très bonne chose. Et du coup, à partir de là, je ne sais pas, j’ai senti que tout le monde avait full confiance en moi. Je me suis sentie très soutenue dans le sens où, quand j’ai annoncé ça à mes amis et à ma famille, limite ils étaient là genre ouais ben logique quoi, ça va bien se passer c’est sûr. Personne n’avait vraiment trop de doutes et du coup ça m’a donné méga confiance en moi parce que je me suis dit que j’allais juste suivre mon instinct, j’allais faire les choses les unes après les autres sans en fait me demander si j’allais réussir, juste faire le truc et comme tout le monde avait full confiance que ça allait très bien se passer, voilà.
Valérie Christe: Et en plus aujourd’hui ça marche d’enfer, enfin en tout cas d’après ce qu’on voit tous et d’après ce que tu nous as dit aussi, je crois que ton calendrier il est plein jusqu’à la fin de l’année là.
Malika Scialom: Il y a encore quelques places en novembre et décembre mais oui.
Valérie Christe: Et ouais c’est top. Comment tu te sens par rapport à ça maintenant ? Est-ce que tu te sens beaucoup plus sûre de toi avec ton travail, avec ce projet-là ? Est-ce que tu te sens à l’aise avec ce que tu fais ? Comment tu vois ça là maintenant ?
Malika Scialom: Oui, je suis hyper contente de ce que je fais. J’aime toutes mes journées. J’aime rencontrer les personnes que je tatoue, j’aime faire leurs projets, j’aime vraiment tout ce que je fais. Et c’est un privilège, j’en suis consciente. Et je suis super contente d’avoir réussi, en tout cas pour le moment, touchons du bois que ça continue à bien se passer. Je suis super contente d’avoir réussi en fait à me faire une vie sur mesure qui correspondait, qui répond à mes besoins. Parce que c’est ça le plus compliqué je trouve, c’est que on a tous des besoins différents. Et les petites… les cases qu’on nous propose dans le monde du travail, faire tel métier avec telle condition, etc., c’est des cases déjà préfabriquées qui peuvent matcher certains de nos besoins, mais pas tous. Et moi, j’ai vraiment eu beaucoup de peine à m’insérer dans une de ces cases dans le monde du travail. J’avais besoin de faire la mienne sur mesure, pour me sentir bien et en équilibre.
Valérie Christe: Ça c’est vraiment un truc qui me parle parce que c’est aussi ce que j’essaye de faire. Pour l’instant j’ai pas une voix très précise, enfin j’ai pas trouvé précisément exactement ce que j’allais faire mais c’est pour ça aussi que ça m’inspire ce que tu fais et que j’ai voulu t’avoir sur ce podcast parce que c’est exactement ce qu’on essaye de faire et ce que j’ai envie d’inciter les gens à faire avec ce podcast donc c’est parfait. Ta vie sur mesure, tu as dit que tu as réussi à la faire. C’est quoi une journée type de Manuka ? Comment tu la voyais et comment tu as réussi à la voir ?
Malika Scialom: Ben, déjà de pouvoir, c’est pas une question de charge de travail, d’avoir spécialement beaucoup de temps libre, de travailler que 3h par jour et puis voilà, non. Il y a des jours où je travaille 3h, il y a des jours où je travaille 15h, ça dépend, c’est variable. Mais c’est ok parce que je sais pourquoi je le fais, ça a du sens pour moi. Et c’était ça vraiment le truc principal, de éventuellement me tuer la tâche tant que ça a du sens, tu vois, ça marche. D’avoir quand même du temps, de pouvoir aménager en fait mon temps comme
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Malika Scialom: je veux parce que j’ai des horaires de sommeil un peu en décalage avec le monde du travail traditionnel.
Valérie Christe: C’est-à-dire, t’aimes bien dormir… T’aimes bien te lever tard et te coucher tard ?
Malika Scialom: Oui, c’est ça. J’arrive pas à m’endormir très tôt et du coup j’essaie de me lever quand même pas trop tard. mais voilà j’ai des journées un petit peu en décalé comme ça donc de pouvoir respecter en fait simplement mon rythme quoi et d’avoir quand même du temps à consacrer à mes autres loisirs mes amis ma famille et puis à faire les choses qui me nourrissent en dehors du travail pour moi c’est voilà c’est de ça qu’est constitué mon équilibre dans des proportions variables en fonction des périodes.
Valérie Christe: Du coup, on va revenir aussi sur le gros défi de cette année. C’est l’année dernière que tu as eu cette idée de créer ton studio ? Oui. Je ne sais pas comment décrire ça. C’est une sorte d’espace, moi j’ai dit co-working, mais ce n’est pas vraiment un co-working. C’est une sorte d’espace où il y a plusieurs salons. avec différentes spécialistes des soins du corps, massage, onglerie, sophrologie. Et c’est toi en fait qui a loué entièrement cet espace, qui l’a décoré, qui l’a créé, qui l’a imaginé, et ensuite qui a recruté les personnes que tu voulais, avec qui ça vraiment matchait bien, pour venir dans cet espace, c’est ça ? Oui, exactement. Est-ce que tu peux nous raconter un peu la jeunesse de ce projet ? Pourquoi ? Comment ? Surtout déjà pourquoi ? Qu’est-ce qui était le déclencheur ? Pourquoi tu t’es dit « je vais faire ça, j’ai besoin de ça » ? Tu tatouais où avant ?
Malika Scialom: Avant je tatouais chez moi. J’avais une pièce dédiée au tatouage, aménagée selon toutes les normes d’hygiène et je recevais les clientes chez moi. Ça m’allait très bien au début. Et puis au bout d’un an, d’être seule, de ne pas avoir de collègues et d’avoir peu d’occasion de sortir de chez moi en dehors de ma vie sociale, c’était devenu un souci pour moi. Donc j’ai eu envie de créer un endroit avec de la vie. C’est ça le premier truc que je me suis dit, c’était vraiment ça la guideline. Et après, c’est un peu comme pour le tattoo, je me suis réveillée un matin avec une lubie et je me suis mise en pilote automatique jusqu’à ce qu’elle existe, jusqu’à ce que le truc se concrétise.
Valérie Christe: C’est vrai, c’est vraiment venu d’un coup comme ça, l’idée est venue d’un coup et tu t’es dit je me lance, c’est bon, t’as foncé ?
Malika Scialom: J’étais à Paris avec ma meilleure amie pour un petit week-end et on en parlait et je sais même plus ce qu’on se disait mais je me disais.
Valérie Christe: Des trucs très vagues du style ouais.
Malika Scialom: Ça pourrait être sympa de faire un truc je savais pas s’il fallait que je me prenne un local toute seule mais en même temps je voulais pas payer un loyer à Lausanne toute seule c’est très cher pour un local commercial tiens si je me mettais avec une autre personne ouais enfin c’était assez flou je savais pas si je voulais faire un salon de tatou ou bien autre chose Et puis, je ne sais vraiment pas te dire, des fois vraiment, j’ai juste suivi mon intuition et j’étais en route. Et là, plus rien ne m’a arrêtée jusqu’à ce que le truc soit fini.
Valérie Christe: Je me souviens que tu nous disais que tu bossais là-dessus tout le temps, que tu pensais tout le temps, ça tournait tout le temps dans ta tête. Tu réfléchissais à la déco, où aller, etc. Tu regardais toutes les annonces, etc. Oui, comment t’as donné naissance à ce projet ? Je veux dire, c’est un gros truc quoi, en plus ça demandait en fait un gros investissement de ta part au départ puisque… T’allais devoir toi-même payer le loyer entier, enfin le local entier, et ensuite trouver les personnes que t’allais recruter et qui allaient te payer la partie du loyer, mais c’était toi qui allais être sur le bail à la base seule. Donc comment t’as géré ça aussi ? Est-ce que t’avais un peu peur aussi de faire ça en même temps ?
Malika Scialom: Oui et non parce que c’était l’inconnu et non parce que j’ai pris des risques quand même calculés. Je dis que je marche à l’intuition et c’est vrai mais je suis quand même quelqu’un de très structuré et très très organisé et pour faire ce projet j’ai vraiment décortiqué toutes les étapes qui allaient être nécessaires jusqu’à la feuille de route, jusqu’à l’ouverture du studio. Et j’ai fait des tableaux Excel. Excel avec plein de chiffres sur le budget du studio, tout ce qu’il allait falloir acheter pour
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Malika Scialom: meubler l’endroit, comment est-ce que j’allais faire mon business modèle, voilà j’ai divisé le loyer en parts égales pour tout le monde, après voilà les charges, J’ai fait des estimations de combien coûterait par année les charges pour faire tourner à un endroit comme ça. J’ai fait des projections. J’ai essayé de faire un format. qui serait le plus juste et équitable pour tout le monde. Je n’avais pas envie de prendre une commission démesurée sur le travail des personnes qui bosseraient avec moi. Je voulais quelque chose de juste et d’équitable, tout en essayant d’investir le moins possible, le mieux et le plus intelligemment possible. Donc, j’ai beaucoup regardé des articles sur internet, essayé de trouver les meilleurs rapports qualité-prix, etc. Et puis, c’était vraiment un jeu hyper amusant. Enfin, moi, j’adore faire ça, vraiment.
Valérie Christe: C’est vrai ?
Malika Scialom: Oui, vraiment, j’adore faire ça. Faire des comparaisons, des tableaux Excel et puis jusqu’à optimiser le plus possible le truc, peu importe le sujet dont on parle. J’adore faire ça, vraiment.
Valérie Christe: Ah, c’est vrai ? Oui, grave. Je ne savais pas ça. Moi c’est les trucs que je déteste le plus.
Malika Scialom: Ok.
Valérie Christe: Ah mais c’est trop cool du coup. C’est vraiment cool que t’aies… Bah de nouveau c’est un projet que t’as porté sur tes épaules en fait, seule et ensuite seulement t’as trouvé les personnes justement qui allaient venir avec toi. Comment ça s’est passé le recrutement ? Comment t’as choisi ces personnes ? Comment t’as défini en fait le thème.
Valérie Christe: On va dire ?
Valérie Christe: Parce que c’est plutôt soins du corps, beauté.
Malika Scialom: Alors, ça s’est dirigé dans cette direction. Tu dis que j’étais seule, oui et non, parce que pour vraiment mettre la main à la pâte et tout concrètement, oui, c’est moi qui ai fait toutes les démarches, etc. Mais j’ai été énormément conseillée par mes amis, par une amie en particulier qui est entrepreneuse, qui a plusieurs entreprises et qui est ma source d’inspiration du quotidien. Pour rigoler, je dis que c’est ma coach de vie, mais c’est une de mes meilleures Et vraiment, son regard, son aide ont été hyper utiles et m’ont évité de faire pas mal d’erreurs. Donc c’est vraiment très important. Petite parenthèse, mais quand on veut entreprendre, je pense que c’est hyper important de s’entourer de personnes qui sont déjà passées par là ou qui sont en process, mais qui peuvent… avec qui juste déjà en parler. Parce que c’est une aventure en fait hyper solitaire. Vraiment très très très très solitaire. T’es seul à faire le truc en fait. Y’a que, alors tu peux en parler autour de toi, mais les amis qui n’ont pas vécu vraiment l’expérience par eux-mêmes, peuvent très bien comprendre intellectuellement la chose et puis soutenir et tout ça, mais ils comprennent pas vraiment ce que c’est en fait. Ils ne connaissent pas les étapes, ils.
Valérie Christe: Ne les ont pas faites, donc c’est difficile d’avoir un regard sur vraiment ce que ça veut dire, ce que c’est de faire ça en fait. Qu’est-ce que ça implique ?
Malika Scialom: Quand je dis à mes amis par exemple, je suis tellement contente et je suis tellement fière, mon agenda est rempli jusqu’en novembre, enfin mon revenu assuré jusqu’en novembre, voilà, ils me disent « ah oui, cool ». Quand t’as ton salaire qui tombe tous les mois et que t’es habituée à ça et que t’as jamais rien connu d’autre, évidemment tu te rends pas compte. C’est un autre monde, c’est une autre vie, l’entreprenariat. C’est quand même super important d’avoir quelqu’un qui comprend.
Valérie Christe: C’était par rapport au recrutement, comment t’as choisi les autres spécialistes, les autres pros qui allaient te rejoindre dans cette aventure ?
Malika Scialom: J’étais hyper ouverte à la base. Les premières annonces que j’ai mises sur Instagram pour dire que je cherchais quelqu’un pour partager un espace entre indépendantes, c’était important pour moi qu’on soit entre femmes entrepreneurs. J’avais fait une liste assez longue de métiers possibles. Il y avait aussi graphiste, psychologue par exemple. Tant qu’on était entre indépendantes et qu’on pouvait partager un espace pour recevoir des gens, c’était aussi un critère, il fallait recevoir des clients, des clientes. Et puis finalement les choses ont fait que ça s’est dirigé plus vers l’esthétique et le bien-être.
Valérie Christe: Comment ça se passe ? Tu l’as ouvert quand déjà ce
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Valérie Christe: studio ? C’était en mars. Et depuis, du coup, comment ça se passe ? Est-ce que ça répond à tes attentes ?
Malika Scialom: Oui, et plus encore. Ça se passe très bien. J’ai bien sélectionné les profils. J’ai reçu pas mal de candidatures. Et l’étape du recrutement, j’avais jamais fait ça. C’est vraiment un métier.
Valérie Christe: Il paraît.
Malika Scialom: C’est vraiment un métier, il y a plein d’anecdotes assez intéressantes qui me sont arrivées en entretien et j’ai vraiment trouvé des pépites, des tatoueuses, une science-fongulaire, une sophrologue qui est une amie à moi de longue date et puis une masseuse. On partage toutes les mêmes valeurs, on est sur la même longueur d’onde et je pense que c’était des ingrédients essentiels pour qu’il y ait vraiment une harmonie et que l’esprit que je voulais mettre en fait dans ce lieu, que les gens viennent et qu’ils se sentent choyés et dans un safe space et pas jugés et qu’ils peuvent juste venir comme ils sont et voilà un endroit où où tout le monde est gentil et bienveillant. Ça peut exister que parce que c’est une dynamique de groupe et qu’on est toutes là-dedans.
Valérie Christe: C’est vraiment cool que tu aies pu donner vie à ce projet et en plus assez rapidement au final. Est-ce que tu es fière de ce que tu as accompli ? Oui.
Malika Scialom: Je sais pas pourquoi c’est difficile à dire, mais c’est difficile à dire, ouais.
Valérie Christe: Ça fait du mal à te dire que t’es fière de toi ou que ce que t’as accompli, c’est bien ou c’est grand ou important ou pas forcément important, mais juste bien, quoi. Enfin, c’est quelque chose de… Que pas tout le monde ferait, en fait. Que pas tout le monde peut faire.
Malika Scialom: Bah je sais pas en fait, tu sais, tout ce que tu veux faire tu peux le diviser en tâches et en sous-tâches et en fait tu suis un plan et c’est comme une recette de cuisine un peu, tu vois ce que je veux dire ? Et bon après faut être prêt à pas travailler, enfin à travailler jour et nuit et puis à laisser ta vie complètement de côté pendant une période et à beaucoup s’investir et tout.
Valérie Christe: Ouais c’est ça, faut être quand même assez obsédé un peu. Ouais vraiment, acharné.
Malika Scialom: Acharnée et obsédée parce que sur papier le plan est très logique et très simple et en fait tu vas avoir des embûches à quasiment chacune des étapes et des problèmes qu’il va falloir résoudre. Et ça aussi, en fait, c’est quelque chose d’assez passionnant, je trouve. Moi, je trouve ça hyper satisfaisant de réussir à résoudre des problèmes, de se dire « Ah ok, je suis là, je veux aller là. Sur mon chemin, il va falloir résoudre ça, ça, ça pour arriver à mes fins. Comment je fais ?
Valérie Christe: Ok.
Malika Scialom: » J’adore ça. Il y a quelque chose d’assez satisfaisant là-dedans.
Valérie Christe: Tu as fait beaucoup de choses différentes dans ta vie. Comme tu disais, tu as eu beaucoup d’intérêts différents. Enfin, tu as toujours beaucoup d’intérêts différents. Il y a aussi tout ton passé de journaliste qui a été aussi une grande expérience pour toi. Comment tu vois tous ces intérêts divers ? Est-ce que tu as l’impression qu’ils t’ont nourri d’une certaine manière et que même si tu n’as pas poursuivi par exemple en médecine ou en biologie ou ce genre de choses, Est-ce que t’as l’impression que c’est quand même des choses qui t’ont nourri et qui t’ont aidé à avancer d’une manière ou d’une autre ? Ou que tu réutilises dans d’autres aspects de ta vie ? Ou qui ont informé la suite de ton parcours ? Comment tu vois ça ?
Malika Scialom: Bah, concrètement, mon savoir-faire journalistique m’a servi à mettre en œuvre mon projet de studio de tatouage, par exemple, me sert beaucoup dans l’entrepreneuriat.
Valérie Christe: Dans quel sens ? Comment par exemple ?
Malika Scialom: Eh ben, faire un sujet, quand t’es journaliste, faire un sujet c’est en gros être la chef d’un mini-projet que tu dois mener à bien de A à Z et il y a plein d’étapes. Et finalement l’entrepreneuriat c’est la même chose, à une autre échelle évidemment. Mais quand tu fais un sujet, t’as besoin d’avoir une image globale d’une situation pour pouvoir chercher les bons interlocuteurs qui se répondent et puis mettre en résonance et en lien les informations et les choses pour faire un papier, un article qui ait du sens. Et finalement, voilà, l’entrepreneuriat c’est la même chose. Quand tu veux ouvrir un studio de tatouage, il faut avoir l’idée globale
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Malika Scialom: de toutes les étapes par lesquelles tu vas devoir passer, vraiment la cartographie du truc. Et ça m’a vraiment facilité ça, d’avoir mon expérience journalistique.
Valérie Christe: Du coup, pour toi, il y a vraiment une sorte de… de parcours. Ton parcours de vie n’est pas décousu. Il y a une logique sur tout ce que tu as fait. Est-ce que ça t’a stressé à un moment ou à un autre de faire d’abord médecine, ensuite journalisme et ensuite tatouage ? Au premier rapport, on se dit que ça n’a rien à voir. C’est des domaines très différents et qui semblent ne pas ne pas vraiment avoir de lien. Je pose ces questions parce que c’est des choses qui me travaillent énormément. C’est pour ça que je pointe ça vraiment. Est-ce qu’à un moment, ça t’a créé du stress ou de l’anxiété de te dire « je change tout le temps, ça va pas, je perds de l’expérience ?
Malika Scialom: » Pas je perds de l’expérience, mais on est dans une société où rien que le système scolaire, à 16 ans, quand on finit l’école obligatoire, on doit choisir le métier qu’on veut faire pour toujours et aller faire une formation là-dedans. Donc on est très orienté dans l’idée de choisir, de faire un choix et de s’y tenir. Et donc par conséquent, ce choix doit être le bon, sinon ça va pas. Tu vois ce que je veux dire ? Donc je trouve qu’on est très formaté à penser comme ça et ça nous crée forcément énormément de stress. Il y a des gens qui ont peut-être la chance inouïe de savoir ce qu’ils ont envie de faire pour toute la vie à 16 ans et que ça fonctionne. Et franchement, leur vie est sans doute beaucoup plus facile étant vieux pour eux. Mais quand je vois mes amis, les.
Valérie Christe: Gens en tiennent des joies. Pas la majorité des gens.
Malika Scialom: Vraiment, c’est les montagnes russes. Il y a plein de changements de parcours au fur et à mesure qu’on découvre plein de nouveaux trucs.
Valérie Christe: Et on se découvre aussi.
Malika Scialom: Oui, c’est ça. Et du coup, oui forcément que ça m’a créé du stress. Surtout quand on passe du salariat à l’entreprenariat parce que là tu quittes toutes tes certitudes. Il n’y a plus rien qui est sûr. Mais là, tu vois, j’en sais rien si je ferais du tatouage toute ma vie. Peut-être que je vais avoir une autre lubie un jour et puis que je vais devenir grutière.
Valérie Christe: J’en sais rien, tu vois.
Malika Scialom: Tout est possible. Mais j’ai confiance en ma capacité à rebondir. J’ai confiance en le fait que je… Je pourrais m’adapter à tout et je saurais rebondir, j’en suis sûre. Ça ne veut pas dire que c’est facile, mais je sais que j’ai ça en moi.
Valérie Christe: Tu sais que tu as les outils pour t’adapter et trouver une solution.
Malika Scialom: C’est ça, vraiment. C’est un truc que j’ai pu voir dans tout mon parcours. J’arrive toujours à.
Valérie Christe: Me débrouiller d’une façon ou d’une autre. C’est là-dedans que tu places ton sens de la sécurité, qui t’aide à canaliser le manque de sécurité qu’on peut avoir quand on se lance dans l’entreprenariat, qu’on est indépendante et qu’il y a moins de filets. Mais ce sentiment de sécurité, tu le places aussi dans cette capacité d’adaptation, ta capacité à rebondir. Le fait que tu as surmonté déjà tellement d’obstacles et de défis, et trouvé des solutions dans des situations un peu compliquées, tu as su le faire, donc tu sauras le faire aussi à l’avenir si quelque chose se passe mal, c’est ça ? Du coup, on va juste revenir sur 2-3 petites questions un peu plus quotidiennes, terre-à-terre. Qu’est-ce que tu fais au quotidien ? C’est quoi tes tâches ? Evidemment, tu tatoues, mais tu ne fais pas que tatouer en tant qu’indépendante. En plus, tu es le chef d’entreprise, mais tu es la seule personne dans ton entreprise, donc tu dois assumer toutes les casquettes. La comptable, le département direction, stratégie, marketing… Tu fais quoi comme tâche ? Tu fais aussi beaucoup de dessin, pas sur la peau mais sur… Oui, sur.
Malika Scialom: Tablette ou sur papier. T’as fait le tour. Il y a déjà toute la partie de la clientèle. Les gens me contactent par Instagram. Donc, il y a une certaine partie de la journée qui est dédiée à répondre aux messages, à répondre aux questions des gens, à les
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Malika Scialom: orienter, à éventuellement booker un rendez-vous, à discuter des projets. Voilà, ça prend pas mal de temps parce que c’est beaucoup d’aller-retour et de plusieurs conversations qui sont ouvertes en même temps, etc. Il y a toute la partie où une fois que le rendez-vous est pris, j’encaisse un à compte, je note dans mes petits tableaux Excel. J’ai bien compris que j’adore ça maintenant. Je reporte les rendez-vous dans mes agendas, mes tableaux, etc. Je travaille ensuite sur le projet. Là encore, des fois, il y a des allers-retours parce que les gens demandent des modifications, etc. Il faut revoir un peu le dessin, tout ça. Le jour du rendez-vous tatou, j’arrive environ une heure avant la cliente pour déjà faire un peu le tour du studio et puis faire ma part des tâches ménagères. Les tâches ménagères qu’il y a à faire dans ma salle de tatouage, l’installation de tout le matériel, etc. ensuite tout le rangement une fois que le tattoo est fait, toute la gestion ensuite de mes stocks de matériel, garder toujours un oeil sur, ah bah tiens j’ai bientôt plus de sopalin, j’ai bientôt plus d’aiguilles.
Valérie Christe: De ci, de ça… Ah tu dis sopalin !
Malika Scialom: Je me suis adaptée.
Valérie Christe: Papiers ménages pour les Suisses, si jamais.
Malika Scialom: Ouais, ça, toute la comptabilité, la traçabilité de tous les paiements, tous les tickets. Je continue parce que c’est encore long, ça fait déjà beaucoup de trucs.
Valérie Christe: Oui tu peux continuer, tu vois si quelqu’un veut se lancer dans le tatou, en indépendante, comme ça ils savent que c’est pas que du tatou.
Malika Scialom: Oui donc les stocks etc puis bah voilà ensuite qu’il y avait le marketing oui voilà le marketing j’ai fait un déni là genre je trouvais plus j’étais là je sais qu’il y a encore un truc c’est quoi déjà c’est le.
Valérie Christe: Pire c’est le boss final c’est le.
Malika Scialom: Marketing C’est soigner son image sur les réseaux, ce qui est assez cool d’un côté parce que mon Insta, c’est la vitrine de mon travail et j’aime soigner l’esthétisme, l’univers que je veux créer, que je veux montrer aux gens. Mais c’est un travail de dingue, et il y a un côté très aliénant, où tu es obligé de le faire régulièrement, et de poster des stories et des publications régulièrement, pour maintenir ta visibilité et ton flux de clientes. Ça c’est le truc le plus pervers en fait je trouve. Et on parlait du stress lié à la sécurité. Ça c’est un élément qui me stresse et me fait pas me sentir en sécurité. Parce que mon client, il dépend pas que d’Instagram, il y a aussi le bouche à oreille. Mais il y a quand même Instagram, j’ai l’impression que ça joue un immense rôle. Si tu ne joues pas le jeu de ce réseau, tu peux perdre ta visibilité et tes clients. Tu vois un peu cette mécanique-là.
Valérie Christe: Ça crée une sorte d’anxiété parce que tu sais aussi que tout le monde publie, que c’est tellement dans l’urgence et dans le moment en fait, il faut rester visible. Exactement.
Malika Scialom: Donc ça c’est quelque chose, après il y a plein d’outils pour planifier, enfin programmer la publication des postes à l’avance. Tu utilises quoi ? Franchement, je suis trop une boumeuse. Je fais directement sur Instagram. Je dis, il y a plein d’outils, mais je ne les utilise pas en fait. Moi, je fais sur Instagram, j’ai entendu dire. En fait, moi, j’utilise une appli déjà pour simuler mon fil d’actuel. Pour voir à quoi ça va ressembler. pour le prévisualiser. Dans l’esthétique que je veux avoir, ce n’est pas bien de poster n’importe quelle photo à n’importe quel moment. C’est bien d’avoir une stratégie pour que cette photo, à côté de celle-là, elle sera plus harmonieuse qu’à côté de cette autre.
Valérie Christe: Comme tu as un travail axé sur l’esthétisme, Ça fait sens que tu soignes ce côté-là aussi sur Instagram, que tu essaies de trouver cette harmonie visuelle.
Malika Scialom: Oui, il y a ça. Et puis aussi que je suis un peu tarée. Je me complique quand même vraiment des fois à la vie sur des conneries.
Valérie Christe: Je crois qu’on fait tous ça. C’est tellement important, il faut que ce soit parfait.
Malika Scialom: Exactement.
Valérie Christe: Personne ne va jamais le remarquer, mais ce n’est pas grave.
Malika Scialom: Mais ouais enfin ça je pense quand
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Malika Scialom: même un certain temps bah après j’ai automatisé aussi beaucoup de trucs. Le plus de trucs que je pouvais automatiser avec le temps je l’ai fait. Par exemple j’ai créé mon filtre pour que je mette sur toutes mes photos pour changer un petit peu la couleur parce que j’aime bien donner un ton un petit peu rose comme ça sur mes photos. Il n’y a aucun filtre qui me plaisait, donc j’en ai fait un. Et au lieu après de faire tous les réglages sur chaque photo, la post-production, etc., j’ai trois clics à faire. La photo est filtrée. Ensuite, je la mets dans mon autre appli et je la programme. Et puis, j’essaie de me faciliter la vie le plus possible. Sûrement que je peux encore faire beaucoup mieux.
Valérie Christe: On peut toujours optimiser encore plus. Ouais, t’essayes de chercher en fait tout ce qui peut t’aider à faire ton travail et surtout les tâches qui sont les moins… qui te plaisent peut-être le moins ou qui sont les plus chronophages.
Malika Scialom: Mais… Ouais, gagner du temps, c’est vraiment ça, l’optimiser toujours.
Valérie Christe: Ouais, puis passer le plus de temps possible en fait à faire… enfin garder le plus de temps…
Malika Scialom: Pour les choses essentielles.
Valérie Christe: Ouais, et qui te plaisent le plus en fait. Je pense le dessin, le tatouage, j’imagine c’est surtout ça.
Malika Scialom: Exactement. Parce que si je mets trop d’énergie dans tout ce qu’il y a autour de la relation client, j’en aurais plus assez pour avoir le lien vraiment de qualité que j’ai envie d’offrir à mes clientes. Pour moi, c’est absolument essentiel. C’est vraiment au centre de tout. Et si je viens de passer quatre heures à faire de la compta et de la post-production de photos et que je suis grave saoulée, je ne vais peut-être pas donner toute l’attention à la cliente qu’elle mérite et que j’ai vraiment envie de lui offrir.
Valérie Christe: Quand tu parles du lien, c’est quand tu les vois en fait, quand elles viennent te voir ou bien c’est même déjà dans les messages.
Malika Scialom: Déjà dans les messages, oui. J’ai tellement envie que les gens se sentent bien et qu’ils aient la meilleure expérience possible.
Valérie Christe: Oui.
Malika Scialom: Vraiment. C’est important le tatouage, on modifie son corps quand même. Ça peut être tellement important. Et ça peut aussi tellement envirer au drame si t’as une mauvaise expérience. Tu vas t’en rappeler toute ta vie. J’ai beaucoup d’amis autour de moi qui ont eu des expériences désastreuses avec des tatoueuses. Voilà, maintenant c’est marqué sur leur peau.
Valérie Christe: En plus du tatouage, tu te rappelles à chaque fois de l’expérience. Même si le tatouage est bien fait, si t’as eu une expérience pourrie ou pas un bon lien avec le tatoueur, c’est aussi quelque chose… Tu te souviens en fait, ça revient à chaque fois à la surface, je peux imaginer ça.
Malika Scialom: Puis le tatouage en soi peut aussi être impacté, si par exemple t’es avec un tatoueur qui est un peu trop… qui te laisse pas assez de place pour t’exprimer, ou que tu te sens pas assez en confiance de dire j’aime pas le dessin, je voudrais le modifier comme ci, comme ça, que t’as l’impression de le faire chier, que voilà. Moi j’ai vécu ça quand j’étais plus jeune avec un tatou. On m’a montré le dessin, c’était pas mal tu vois, mais c’était pas vraiment ce que je voulais. Et la tatoueuse était tellement insistante et puis j’ai pas osé dire.
Valérie Christe: Bon c’est débile tu vois.
Malika Scialom: Mais sur le moment c’était tellement oppressant. Et puis c’est un tatouage qui est très bien fait en soi, c’est pas un tatouage raté ou quoi. Mais c’est pas du tout ce que je voulais en fait. cette histoire-là, je l’ai déjà entendue tellement de fois autour de moi.
Valérie Christe: Du coup, c’est ce que tu veux absolument éviter. T’as envie de créer ce lien pour que les personnes soient totalement à l’aise pour te demander de changer des choses, d’en faire leur tattoo vraiment. ce qu’elles avaient imaginé, enfin ce qu’elles voulaient. Comment tu gères ça justement ? Parce que le tatou, moi je me représente ça quand même comme quelque chose où la personne qui tatoue, qui dessine en fait, donc toi en l’occurrence, Il y a aussi une part de créativité et t’as aussi envie d’y mettre ta patte. J’imagine que t’as ton style, ta patte, etc. Comment tu gères avec les demandes des clients qui veulent des choses souvent très personnelles, qui te demandent des modifications ? Comment tu gères cette Moi j’appelle ça une sorte de tension entre ta créativité, ton style et ce que veulent absolument les clientes.
Malika Scialom: Dans la tension, il y a une idée de combat un peu et ce n’est pas le cas parce qu’il y a forcément un lien de confiance. Où les gens ont choisi de faire appel à moi parce que mon travail leur a plu, leur a parlé. Et alors parfois, elles ont
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Malika Scialom: des idées très précises de ce qu’elles veulent. Et du coup, je les fais comme elles veulent. Mais quand même toujours dans mon style, tu vois ? Il y a quand même toujours une… même dans les projets les plus stricts, dans les demandes les plus strictes, il y a toujours une part de créativité où ma personnalité peut s’exprimer à travers le dessin et puis ma créativité. Sinon, les gens ne seraient pas venus me le demander à moi. Des fois, il y a ça. Des fois, il y a des gens qui sont complètement ouverts, qui me font totalement confiance, qui me donnent quelques lignes directrices. Après, je fais un peu ce que je veux. La majorité du temps, c’est un point clé.
Valérie Christe: C’est une sorte de co-création.
Malika Scialom: Oui, c’est ça. Je ne me sens pas du tout bridée dans ma créativité, au contraire.
Valérie Christe: Je pense que ça peut aussi t’apporter de la créativité, parce qu’il y a peut-être des choses qu’une cliente dit qu’elle aimerait et qu’elle n’aurait pas pensé. Ça peut aussi t’aider à trouver d’autres idées ou d’autres possibilités.
Malika Scialom: Exactement. Des fois les gens me donnent une idée et tout d’un coup j’ai une vision un peu comme ça de composition qui me pop dans la tête et je suis là genre ah ouais trop bien on pourrait faire comme si comme ça et puis ils me disent ah ouais je voyais pas du tout ça comme ça mais en fait c’est cool ou alors eux ils viennent avec un croquis et puis moi j’aurais pas du tout fait ça comme ça mais en fait c’est hyper bien leur idée enfin c’est vraiment une co-création comme tu dis et puis On s’influence un peu mutuellement.
Valérie Christe: Et c’est hyper riche du coup. Du coup, comment ça se passe si une cliente veut prendre contact avec toi pour faire un tattoo ? C’est quoi les étapes ? Comme tu l’as dit, il y a des clientes qui viennent déjà avec un croquis, d’autres peut-être avec une idée très vague, qui n’ont pas vraiment de croquis mais qui te donnent les pistes sur ce qu’elles veulent, j’imagine, en mots. Et d’autres, peut-être, qui ne savent pas du tout ce qu’elles veulent. Comment ça se passe à ce niveau-là ? Et les étapes jusqu’au tatouage, et même après le tatouage, parce que je sais que tu peux faire aussi des retouches, des fois. Comment ça se passe pour le dessin, et ensuite le tatouage et les éventuels retouches ? À quoi peut s’attendre une cliente si, tout d’un coup, elle veut te contacter, se faire un tatouage ? Comment ça se passe ?
Malika Scialom: Il faut m’écrire sur Instagram, j’ai fait un post qui explique comment prendre rendez-vous, toutes les informations à m’envoyer. Il faut me décrire l’idée, le projet en quelques mots, même si c’est quelque chose de très vague, juste en quelques mots ça peut suffire. et puis me donner un cadre, c’est-à-dire un emplacement ou bien en tout cas une taille de projet. Et puis à partir de là, on peut discuter, vraiment tout est possible. Les projets où les idées sont les plus vagues, je propose à la personne de venir, de se rencontrer en vrai et puis de discuter ensemble et que je lui dessine au stylo bi un peu sur le corps, comme ça qu’on voit ce qui pourrait être possible de faire. Sinon, les personnes qui ont des idées très structurées, avec des photos de référence, souvent c’est pas nécessaire de se rencontrer avant. A la rigueur, je propose un coup de fil si les gens préfèrent parler de vive voix. Mais une fois qu’on a bien défini les contours du projet, on pose le rendez-vous et après on se rencontre pour le tatouage.
Valérie Christe: Et du coup, les éventuels retouches, est-ce que c’est quelque chose qu’il y a à chaque fois ? Moi je ne connais pas bien du tout le monde du tatouage, c’est pour ça que je pose ces questions. Enfin, je connais un tout petit peu justement grâce à toi, mais moi je n’ai pas de tatouage, je n’ai jamais pensé à en faire, donc je ne connais pas bien ce monde-là. Mais du coup, quand tu fais un tatouage, c’est possible qu’il y ait des retouches à faire parce que l’encre est trop… Des fois, tu ne veux pas la faire trop foncée au départ, ou.
Malika Scialom: Bien comment ça se passe ? Je tatoue déjà dans un style qui n’est pas trop foncé. Je m’adapte aussi aux demandes des gens. En cicatrisant, parfois la peau recrache un peu plus d’encre que prévu. Des fois, ça s’éclaircit un peu plus que prévu. On retouche un peu les contrastes. C’est dans le cas d’un tatouage où il y a des ombrages. Et parfois dans le cas d’un tatouage où c’est que des lignes, il peut arriver qu’il y ait un petit trou qui se forme sur la ligne parce qu’un petit peu d’encre s’en va à cet endroit-là. Et là, on fait une retouche, juste on remet de l’encre là où il n’y en a plus.
Valérie Christe: Je ne savais pas en fait que la peau recrachait de l’encre. Du coup c’est dans le processus
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Valérie Christe: de cicatrisation que ça se passe ?
Malika Scialom: Oui exactement. Parce qu’en fait un tatouage c’est une blessure dans laquelle on met de l’encre. Et qui dit blessure dit cicatrisation. L’encre c’est un corps étranger et le corps va quand même essayer d’en évacuer une petite partie. Et suivant les peaux ça peut être une plus ou moins grande partie.
Valérie Christe: C’est là qu’on voit aussi où la biologie rejoint ton travail ! Je trouve des liens partout ! Comment tu vois la suite de ton parcours ? Tu as dit que tu ne savais pas du tout ce que tu allais faire dans 10 ans, si tu allais toujours faire du tatouage comme ça, mais est-ce que tu as des objectifs de vie ? Tu as des choses que tu sais que tu aimerais faire ? Pas forcément en lien avec le travail, ça peut être en lien avec la carrière ou comme ça, mais des choses que tu aimerais expérimenter ? Ça peut être des voyages ou des filles ou des aventures ? Est-ce qu’il y a des choses que tu sais que dans ta vie tu aimerais réaliser ? ou avoir plus tard, ou bien pas du tout. Et tu laisses ça ouvert et tu te dis bah non j’ai aucune direction.
Malika Scialom: On verra. Ouais c’est assez flou, je t’avoue. C’est assez flou parce que j’ai beaucoup de peine avec la notion de choix.
Valérie Christe: De choisir un truc et de s’y.
Malika Scialom: Tenir et du coup d’exclure toutes les autres possibilités et de faire le deuil des autres possibilités et des réalités parallèles où t’aurais fait ce choix-là et que du coup t’aurais fait ça. Je suis vraiment en grand conflit interne avec ça en ce moment.
Valérie Christe: Mais tu dis ça, mais pourtant, t’as quand même réussi à mener ce projet. En fait, pour faire de l’entrepreneuriat, t’es obligée de choisir. Oui, c’est vrai.
Malika Scialom: Mais c’est pas à la même échelle, tu vois, les projets d’avenir sur le long terme, tout ça. Je pense que peut-être le facteur qui est immuable et qui le restera sans doute, c’est le sentiment de liberté. de liberté, de créativité, peu importe la forme qu’elle prend. Je crois que mon projet, en fait, c’est de réussir à m’émanciper de tous les schémas qu’on a appris de la société, qui te dit qu’en fait, à cet âge-là, tu dois vouloir ça, et à cet âge-là, tu dois avoir accompli ça, pour pouvoir trouver réellement ce que j’ai envie de faire.
Valérie Christe: Pour pouvoir t’exprimer vraiment toi, authentiquement.
Malika Scialom: Et vivre ma vie et pas celle de quelqu’un d’autre. Et c’est ça que j’entends par liberté en fait.
Valérie Christe: Ça résonne totalement en moi, donc je comprends totalement. Dernière question, si t’avais un conseil ou un mot de couragement à donner à une jeune ou à un jeune qui veut se lancer dans l’entrepreneuriat ou en tant qu’indépendante, dans n’importe quel domaine, mais qui veut se lancer en tant qu’indépendante, mais qui doute ou qui a peur ou qui a le syndrome de l’imposteur ou quoi que ce soit, qu’est-ce que ce serait ? Si t’as un conseil, Ouais, une recommandation ou un, je sais pas, un slogan.
Malika Scialom: Le slogan ce serait « Fait des tableaux Excel ».
Valérie Christe: Ça marche bien, ça marche bien. Voilà, les tableaux Excel et décortiquer les étapes, c’est ça ?
Malika Scialom: Le truc que je… Oh, ça va être cliché, c’est terrible mais… C’est peut-être.
Valérie Christe: Parce que c’est vrai. Enfin, je veux dire… Le cliché il a toujours une part de vérité en fait.
Malika Scialom: J’ai envie de dire, essaye en fait. Essaye, fais-le, au pire c’est pas grave. Mais permets-toi de faire naître cette possibilité sur ton chemin de vie. Au pire, tu vas bifurquer dans une autre direction. Mais si t’as envie de faire quelque chose et que ça t’obsède et que Tu sens que c’est juste et que ça résonne en toi, il n’y a aucune raison de ne pas essayer.
Valérie Christe: Il n’y a aucun autre choix en fait. Ça va te bouffer tout le temps. C’est ça. Et puis quand tu arriveras à la fin et que tu pourras plus, tu vas avoir le regret de ne pas l’avoir au moins testé. Comme tu dis, ça ne veut pas dire que c’est ce que tu vas faire toute ta vie. Et ça ne veut pas dire que ça va marcher. Peut-être que tu vas détester ça. Mais au moins tu l’auras testé et tu sauras après.
Malika Scialom: C’est ça.
Valérie Christe: Et tu pourras passer à autre chose tranquillement, sans que ça te bouffe toute ta vie ! Où est-ce que les auditrices-auditeurs peuvent te trouver ? Pour voir ce que tu fais, tes tattoos, te contacter, tous tes réseaux…
Malika Scialom: Sur Instagram, surtout, c’est officine.tatou.
Valérie Christe: Ouais.
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Malika Scialom: Et je suis en train de me faire faire un site internet, donc ce sera officinetatou.ch.
Valérie Christe: Trop bien. Et t’as aussi la page du studio, Le Studio.
Malika Scialom: Il y a, ouais, sur Instagram, il y a aussi Le Studio Lausanne, avec un point entre chaque mot, où là vous pouvez trouver mes autres colocataires, mes autres colocatrices.
Valérie Christe: Colocataire s’utilise aussi au féminin je pense.
Malika Scialom: Et découvrir aussi leurs talents et leur travail.
Valérie Christe: Ok bah c’est top. De toute façon on va mettre tous les liens en description du podcast et de la vidéo et tout. Donc vous trouverez tout ça dans la description. Merci Malika c’était trop cool.
Malika Scialom: Merci à toi, j’ai adoré.
Valérie Christe: N’hésitez pas à mettre des commentaires, des remarques sur l’interview, ce que vous avez aimé, pas aimé, et à mettre des encouragements aussi pour Malika pour qu’elle continue ce qu’elle fait. Je te souhaite vraiment plein de succès, de réussir à t’émanciper de toutes les injonctions de la société et de vraiment continuer à tracer ta voie comme tu le fais. C’est top et c’est très inspirant et en plus t’as l’air très épanouie dans ce que tu fais. C’est tout ce qu’on te souhaitait. Tout pareil.
Valérie Christe: Comme d’habitude, si tu as aimé cet épisode et ce format, je t’inviterais à mettre un j’aime ou 5 étoiles et à t’abonner au podcast ou à ma chaîne. En un ou deux clics, tu peux m’aider à accroître la visibilité de ma chaîne pour inciter toujours plus de personnes à explorer tout leur potentiel pour qu’elles puissent tracer leur propre voie et vivre une vie plus riche et épanouissante. Si cette vision te parle et si tu penses qu’elle pourrait n’aider ne serait-ce qu’une seule autre personne, je t’invite aussi à partager cet épisode ou à l’envoyer à tes amis. En tout cas, je te remercie vraiment de ton écoute, ton soutien compte beaucoup pour moi. Alors si t’as des remarques, questions, idées dont t’aimerais me faire part, n’hésite pas. C’est aussi avec ta participation que ce podcast va pouvoir grandir et évoluer.
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